par Pierre Guerder doyen honoraire de la Cour de cassation de France Keszthely 4 septembre 2014 En préambule de mon intervention, je tiens à remercier chaleureusement Mme Marta Gyengéné Nagy, présidente de l’association Juges pour la médiation, et l’ambassade de France en Hongrie de leur aimable invitation. Je suis très heureux d’avoir pu venir en Hongrie pour la première fois de ma vie, et très honoré de participer à l’ouverture de cet important colloque international consacré à la médiation. Dans le sujet de mon intervention, cours supérieures et médiation, que j’ai prévu d’aborder d’un point de vue français, la notion de médiation est déjà bien appréhendée. Le terme désigne un mode alternatif de règlement des conflits, connu en France par son acronyme M.A.R.C. ou en anglais par l’expression alternative dispute résolution A.D.R. Depuis la transposition en France en 2011 de la directive 2008/52/CE du parlement européen et du conseil en date du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, et depuis l’introduction dans le code de procédure civile français, par un décret du 20 janvier 2012, d’un livre V intitulé « La résolution amiable des différends », on parle volontiers de modes alternatifs de règlement des différends, désignés par l’acronyme M.A.R.D. Encore faut-il observer que cet acronyme souligne le double visage, Janus bifrons, de la médiation, qui peut être conventionnelle ou judiciaire. Le livre V du code de procédure civile de France parle seulement de la médiation conventionnelle parmi d’autres modes de résolution des différends. La médiation judiciaire, issue d’une loi du 8 février 1995, et d’un décret du 22 juillet 1996, fait l’objet d’un titre 6 bis inclus dans le livre I du code de procédure civile contenant les dispositions communes à toutes les juridictions. Cette différence reflète bien les deux visages de la médiation. Dans cette perspective, la médiation est regardée comme un processus structuré de résolution amiable des conflits par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord durable sur la solution de leur différend, avec l’assistance d’un tiers neutre, impartial et indépendant, le médiateur, choisi par elles parmi des personnes qualifiées ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. La médiation se distingue de la conciliation qui peut être effectuée, en droit français, par le juge lui-même ou par un tiers qu’il désigne et qu’on appelle conciliateur de justice. La première mission du juge, que lui assigne l’article 12 du code de procédure civile, est de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Mais l’article 21 du même code dispose qu’il entre dans la mission du juge de concilier les parties. La conciliation diffère de la médiation en ce que le conciliateur s’implique dans la recherche d’une solution du conflit, tandis que le médiateur, astreint à la neutralité, accompagne les personnes dans la recherche d’une solution sans faire prévaloir son point de vue. Le juge de prédilection, pour engager la médiation, est en principe le juge du premier degré, le juge de base. Le caractère amiable du processus, la démarche consensuelle qui y conduit, permettent d’espérer l’apaisement du conflit et l’abandon du contentieux. Pourtant c’est une réalité : la médiation a fait son apparition dans les cours dites supérieures, dans lesquelles j’englobe à la fois les cours d’appel et la Cour de cassation, cour suprême de l’ordre judiciaire en France. Ainsi mon propos sur les cours supérieures et la médiation pourra être articulé en deux parties : l le contrôle de la médiation par la cour suprême ; II la pratique de la médiation par les cours d’appel. I – Le contrôle de la médiation par la Cour de cassation La Cour de cassation de France est saisie des litiges par un recours dit extraordinaire dénommé pourvoi en cassation, dont l’objet est de faire contrôler la conformité des jugements à la loi. La cour de cassation n’est donc pas un troisième degré de juridiction. Elle ne juge pas les faits. Elle contrôle l’exacte application de la loi aux faits déclarés constants par les juges du fond. Elle ne dispose d’aucun pouvoir d’évocation autre que celui de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée dans un arrêt de cassation sans renvoi. Elle n’a donc pas vocation à mettre en œuvre la médiation. Mais elle s’est appliquée à préciser les contours de la médiation, tant conventionnelle que judiciaire. A – Médiation conventionnelle Lorsqu’elle est dite conventionnelle, la médiation trouve sa source dans un contrat entre les parties. Par dérogation au principe de liberté qui régit ce processus, il est possible que les parties soient préalablement liées par une clause de médiation insérée dans un contrat civil ou commercial. Cette clause leur fait obligation de recourir au processus de la médiation avant d’entreprendre toute action judiciaire et même toute instance arbitrale. Par exemple, il peut être stipulé dans un contrat que «tout différend qui naîtrait de l'interprétation, de l'exécution, de l'inexécution, ou des suites, ou conséquences du présent contrat sera soumis à médiation, préalablement à toute action judiciaire ou arbitrale ». Les clauses types font parfois référence au règlement d’un centre de médiation auquel les parties déclarent adhérer. La cour de cassation veille au respect des clauses de cette nature. L’introduction d’une instance judicaire ou arbitrale en méconnaissance d’une telle clause expose son auteur à une fin de non-recevoir et à l’irrecevabilité de l’action. La solution a été introduite par un arrêt de la chambre mixte de la cour de cassation du 14 février 2003[1]qui a jugé que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées par les articles 122 et 124 du code procédure civile, et que, licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent. Un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 30 octobre 2007[2] a statué sur une clause d’un contrat d’exercice en commun de médecins membres d’une société civile de moyens. Cette clause, intitulée « médiation obligatoire », stipulait : « en cas de difficultés soulevées par l’application du présent contrat, les parties s’engagent, préalablement à toute action contentieuse, à soumettre leur différend à deux membres du conseil départemental de l’ordre des médecins des Yvelines, chacun choisissant librement l’un de ces deux membres. Ceux-ci s’efforcent de concilier les parties et de les amener à une solution amiable et ce, dans un délai maximum de trois mois à compter de la désignation du premier conciliateur ». La cour de cassation a jugé qu’une telle clause constituait une fin de non-recevoir qui s’imposait aux juges du fond en application de l’article 122 du code de procédure civile. On retrouve la même solution à propos d’un litige de copropriété dans un arrêt de la troisième chambre civile de la cour de cassation en date du 20 septembre 2011.[3] La tentative préalable de médiation ou conciliation étant obligatoire, une partie à un contrat ne peut par avance refuser une procédure de médiation qui n’a pas encore été mise en œuvre dès lors que la clause de médiation prévue au contrat n’a prévu la saisine du tribunal qu’en cas d’échec ou de refus de la médiation (Cass. 1re civ. 8 avril 2009) [4]. Un refus unilatéral n’est pas possible, mais il se peut que les parties concernées se mettent d’accord pour renoncer à l’application de la clause de médiation. Il reste que la fin de non-recevoir peut être régularisée en cours d’instance. La deuxième chambre civile de la cour de cassation a décidé, par arrêt du 16 décembre 2010[5], que viole l’article 126 du code de procédure civile la cour d’appel qui accueille cette fin de non-recevoir alors qu’à la date à laquelle elle a statué, la cause d’irrecevabilité avait disparu, les demandeurs ayant mis en œuvre dans les formes requises par le compromis de vente la procédure de conciliation et, après constatation de son échec, ayant réitéré leur demande devant le juge. Un arrêt de la chambre commerciale du 29 avril 2014[6] vient d’apporter une note divergente à cette jurisprudence cohérente. Il énonce que la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci. Dans cette espèce, la clause se limitait à évoquer un règlement amiable sans préciser la procédure à suivre. Or il ne suffit pas d’imposer l’épuisement préalable des voies amiables. Il faut identifier le M.A.R.C. auquel on veut avoir recours. En dépit de cette restriction, la jurisprudence de la cour de cassation peut être considérée comme protectrice de la médiation conventionnelle. C’est la même tendance que reflète la jurisprudence relative à la médiation judiciaire. B- Médiation judiciaire Aux termes de l’article 131-1 du code de procédure civile, créé par décret du 22 juillet 1996, « Le juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, désigner une tierce personne afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. Ce pouvoir appartient également au juge des référés, en cours d'instance. » Vous avez remarqué dans ce texte la distinction entre le litige dont est saisi le juge et le conflit qui oppose les parties. Le litige n’est que la partie émergente d’un iceberg dont la profondeur dissimule le conflit. Le principe de l’instauration d’une médiation judiciaire par le juge d’appel a été consacré par un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 18 juillet 2001[7]. Dans cette affaire, un salarié qui avait été licencié pour faute grave avait saisi le conseil de prud’hommes d’une procédure d’indemnisation en invoquant un licenciement abusif. Le conseil de prud’hommes avait condamné l’employeur à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser à l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC) de l’Isère des indemnités de chômage. La cour d’appel de Grenoble, par un premier arrêt du 22 juin 1998, avait sursis à statuer et ordonné une mé diation. Celle –ci a débouché sur un accord partiel entre l’employeur et le salarié, de sorte que par arrêt du 6 septembre 1999, la cour d’appel a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, donné acte au salarié de son désistement de ce chef, et déclaré la décision opposable à l’ASSEDIC. L’ ASSEDIC ayant formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt qui avait ordonné une médiation, la cour de cassation a jugé que si l’ASSEDIC ne pouvait se voir opposer une médiation à laquelle elle n’était pas partie, la cour d’appel avait pu, après avoir recueilli l’accord de l’employeur et du salarié, ordonner une médiation dans le litige qui opposait ces derniers. Ainsi la place de la médiation dans les cours d’appel a été parfaitement assurée. Elle a été assurée davantage encore par un arrêt de la première chambre civile du 7 décembre 2005[8], disposant que « la décision d’ordonner une médiation judiciaire, qui ne peut s’exécuter qu’avec le consentement des parties, est une mesure d’administration judiciaire non susceptible d’appel ni de pourvoi en cassation ». L’absence de recours garantit ainsi le confort du juge d’appel. Il reste à savoir si elle est incitative à l’égard des parties, ou si elle est plutôt de nature à susciter leur méfiance… Le confort du juge d’appel comporte tout de même une limite. Le juge ne peut mettre fin à une médiation judiciaire sans que l’affaire soit préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A cette audience, le juge, s’il met fin à la mission du médiateur, peut poursuivre l’instance, le médiateur étant informé de la décision. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la chambre sociale du 14 janvier 2014[9] révélateur d’un dysfonctionnement. Un conseiller de la mise en état avait, par ordonnance du 6 juillet 2012, désigné un médiateur dont la mission devait prendre fin dans les trois mois suivant la première réunion de médiation (soit au plus tôt le 6 octobre), sursis à statuer sur toutes les demandes des parties et renvoyé la cause, à défaut d’accord des parties, à l’audience du 20 septembre 2012, Mais le 20 septembre, c’est un arrêt au fond qui a été rendu par la cour d’appel. Il a été cassé par la chambre sociale au visa de l’article 131-10 du code de procédure civile. Après le confort du juge, peut-être convient-il d’ouvrir une lucarne sur le confort du médiateur. Celui-ci est astreint à une obligation de moyens, non une obligation de résultat. Dès lors, le montant de la rémunération du médiateur ne peut dépendre de la circonstance que les parties sont ou non parvenues à un accord. C’est ce qu’a jugé la deuxième chambre civile de la cour de cassation par un arrêt du 22 mars 2007[10]. Le cadre étant ainsi posé, il ne reste plus qu’à entrer, sinon en médiation, du moins dans les cours d’appel qui pratiquent la médiation. II – La pratique de la médiation par les cours d’appel Si la France admet la conciliation par le juge, elle ne lui permet pas la médiation. Elle se différencie à cet égard d’un certain nombre de pays, à commencer par la Hongrie. Le récent colloque des 10 ans de Gemme à Paris a montré, à travers une excellente synthèse, que plusieurs pays européens admettent la médiation pratiquée par le juge, conformément au modèle de la cour d’appel du Québec initié par l’honorable Louise Otis. En France le rôle du juge est différent : il recueille ou constate l’accord des parties à la médiation, et désigne le tiers chargé d’y procéder. En théorie, toutes les cours d’appel sont susceptibles de pratiquer la médiation judiciaire. Elles comportent en France en principe chacune au moins un magistrat référent spécialement chargé des questions de médiation. Il est compétent pour organiser l’activité de médiation dans sa juridiction. Il a vocation à en rendre compte par des rapports transmis à la chancellerie. On devrait ainsi connaître le volume des médiations en France. Il s’avère qu’en réalité, ce volume est difficile à appréhender, en l’absence d’un outil statistique spécifique à la médiation. Celle –ci n’apparaît pas en tant que telle dans les statistiques des juridictions. Elle n’y figure qu’à travers des informations partielles sur les ordonnances de désignation de médiateur, sur les homologations d’accords, et sur les désistements. L’intérêt de la médiation au stade de la cour supérieure peut provenir de l’encombrement du rôle de la juridiction et de la longueur du délai d’attente nécessaire pour parvenir à une audience de plaidoiries. Mais ce critère n’est pas le seul facteur déterminant. Le temps peut contribuer à apaiser les passions et permettre aux parties de prendre conscience de leurs intérêts communs dans la recherche d’une solution négociée préférable aux aléas d’une nouvelle décision de justice. L’une des pionnières de la médiation judiciaire en cour d’appel a été la présidente de Gemme France, Mme Béatrice Blohorn-Brenneur, présidente de la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble de 1996 à 2003. Vous avez pu remarquer que c’est sur une affaire en provenance de Grenoble qu’a été rendu l’arrêt de la cour de cassation du 18 juillet 2001 validant le principe de l’instauration de la médiation judiciaire au stade de la cour supérieure. Mme Brenneur a organisé des audiences spéciales de proposition de médiation concernant une quarantaine d’affaires préalablement sélectionnées. Après une présentation générale de la médiation par la présidente de chambre, chaque affaire était abordée pour inviter les parties à faire le choix d’une médiation. La réponse s’est avérée positive dans 50 % des cas. Ainsi, durant cette période de sept années, 1000 médiations ont été ordonnées, avec un taux de réussite de 80%. La part du contentieux de la chambre sociale réduite par ce mode de règlement des litiges a été évaluée à 8 %. En dépit de ces résultats encourageants, l’expérience n’a pas survécu au départ de son initiatrice. Des initiatives comparables ont été prises par des présidents de chambre qui ont choisi de s’impliquer personnellement dans la médiation : à Pau par le président de la chambre commerciale, M. Philippe Bertrand, à Toulouse par le président de la chambre commerciale, M. Gilbert Cousteaux, à Metz par le président d’une chambre de la famille M. François Staechelé, à Versailles par les présidents des chambres sociales, à Aix-en-Provence ou à Lyon par d’autres. Il n’est pas question de les examiner toutes. Je concentrerai mes observations sur deux cours, celle de Paris et celle de Toulouse. A – Cour d’appel de Paris C’est sans doute à la cour d’appel de Paris que l’on trouve l’organisation la plus complète et la plus sophistiquée. Il est vrai que cette cour d’appel se distingue par son ampleur. Elle est structurée autour de 8 grands pôles qui rassemblent 71 chambres par thème : - Pôle 1 : procédure et droit international privé : 7 chambres civiles - Pôle 2 : personnes : 12 chambres civiles et pénales - Pôle 3 : famille : 7 chambres civiles et pénales - Pôle 4 : biens, immobilier, environnement et consommation : 11 chambres civiles et pénales - Pôle 5 : vie économique : 13 chambres commerciales et pénales - Pôle 6 : social : 12 chambres sociales dont une chambre mixte pénale - Pôle 7 : instruction : 6 chambres de l’instruction - Pôle 8 : criminalité, délinquance organisée : 2 chambres pénales, cour d’assises. Deux conseillers de la cour ont été désignés comme magistrats référents pour la médiation : l’un a en charge les chambres civiles et commerciales, l’autre a en charge les chambres sociales[11]. Dans les chambres sociales, deux filières ont été mises en place pour promouvoir la médiation d’une part avant les audiences de fond, d’autre part à l’occasion des audiences des plaidoiries. 1°) avant les audiences de fond : la procédure de double convocation Le ressort de la cour d’appel de Paris englobe 11conseils de prud’ hommes disséminés dans plusieurs départements, de Paris à Bobigny, Créteil, Evry, Fontainebleau, Longjumeau, Meaux, Melun, Sens, Villeneuve Saint-Georges, Auxerre. Le contentieux en provenance de ces juridictions représente 12 000 à 13 000 affaires par an. Il est d’autant plus abondant que la médiation est récusée par les conseillers prud’hommes qui préfèrent s’en tenir à la phase de conciliation préalable prévue par la loi. Pourtant le bureau de conciliation du conseil des prud’ hommes n’a pas pour objectif réel de concilier les parties. Il se borne en pratique à vérifier que l’affaire est en état d’être examinée par la formation paritaire de jugement. C’est donc au niveau de la cour supérieure que peuvent être éventuellement décelées les perspectives d’accord amiable entre les parties. A cette fin, une cellule de médiation a été constituée par le magistrat référent avec deux greffiers référents et au moins deux assistants de justice. Cette cellule examine les dossiers nouveaux avant leur distribution dans les chambres, afin de sélectionner les affaires susceptibles d’aller en médiation. Sont exclus de la sélection les dossiers posant une question juridique de principe, concernant des droits indisponibles ou affectés par l’ouverture d’une procédure collective. Sont privilégiés les litiges entre salariés et employeurs liés par la parenté, des rapports matrimoniaux, des relations entre associés, des relations persistantes du travail dans l’entreprise, les litiges consécutifs aux difficultés de reclassement des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, les litiges concernant les employés de maison, les concierges, les assistantes maternelles, les litiges concernant les salariés des professions libérales, les litiges concernant les cadres de haut niveau, les litiges du milieu associatif. Les dossiers non sélectionnés suivent le parcours normal de distribution dans les chambres, pour un audiencement à échéance lointaine, de deux à trois ans. Les dossiers sélectionnés font l’objet de la procédure de double convocation. Le greffe adresse aux parties non seulement une convocation à l’audience de fond dont la date est lointaine, mais encore en même temps une convocation-invitation à se rendre dans un délai bref à une permanence d’information sur la médiation tenue par un médiateur. Une notice d’information sur la médiation est jointe à la double convocation. Les conseils des parties sont avisés de cette démarche par le greffe. Les permanences d’information figurent sur un tableau de service hebdomadaire, à raison de quatre séances par semaine. Chaque permanence a pour objet de délivrer une information générale sur la médiation aux parties présentes qui ont été convoquées à cette séance. Les dossiers évoqués, au nombre maximum de six, relèvent d’une seule des 8 ou 9 chambres associées à cette procédure. A l’issue de la proposition de médiation, le médiateur peut recueillir le consentement des parties s’il l’obtient. Il dispose d’un formulaire qu’il soumet à la signature des parties et qu’il a ensuite la charge de déposer au greffe avec la feuille de liaison sur laquelle il rend compte du déroulement de sa permanence. Le processus de la médiation est alors enclenché. Une ordonnance de médiation est signée par le magistrat de la chambre concernée. Elle désigne le médiateur, fixe sa mission, lui impartit un délai, prévoit la consignation de sa rémunération, et indique la date de renvoi à une audience de procédure. Le médiateur désigné par ladite ordonnance dispose en principe d’un délai de trois mois pour accomplir sa mission. Le retour à une audience de procédure s’effectue dans le mois suivant l’expiration du délai de médiation. A cette audience de deux choses l’une : - Ou bien la médiation a échoué : dans ce cas il n’y a rien à faire puisque les parties sont déjà convoquées à une audience de plaidoiries ; - Ou bien les parties sont parvenues à un accord : elles peuvent en demander l’homologation par la cour, ou se borner à solliciter qu’il leur soit donné acte de leur désistement d’instance et d’action. L’affaire disparaît du rôle de la cour. 2°) Les audiences de plaidoiries en présence d’un médiateur La double convocation, si attrayante qu’elle puisse paraître, n’est pas générale. Pour des raisons diverses et variées, elle est utilisée avec parcimonie par la cellule de médiation. Elle est donc loin de prendre le pas sur le système qui lui a préexisté, qui est celui de la permanence des médiateurs aux audiences de plaidoiries. Ces permanences sont organisées, sous la direction du magistrat référent, par plusieurs associations de médiateurs : l’association nationale des médiateurs (ANM), l’association des médiateurs européens (AME), l’institut d’expertise arbitrage et médiation de Paris (IEAM), le centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP), le réseau des médiateurs en entreprise (RME). En fait, c’est l’ANM qui, par délégation des autres associations, est chargée de l’élaboration du tableau des permanences aux audiences de six des chambres sociales. Les permanences sont assurées par un groupe de 30 à 35 médiateurs rassemblés pour les besoins de la communication dans un @googlegroups.com. Le médiateur assiste à l’audience de la chambre qui lui est indiquée par le tableau hebdomadaire de permanence diffusé par courrier électronique. Si, à l’occasion d’une affaire en cours d’examen, le président de la cour aperçoit une piste de médiation, il invite les parties et leurs conseils à s’entretenir en dehors de la salle d’audience avec le médiateur. On se retrouve alors dans la situation évoquée à propos de la permanence de double convocation. Le médiateur délivre une information sur la médiation. Si les parties refusent la médiation, leur affaire est examinée dans la continuation de l’audience au fond. Si elles acceptent la médiation, une ordonnance de médiation est prononcée avec les conséquences procédurales qu’elle comporte. Au regard d’un tel dispositif, qui force l’admiration, le résultat peut paraître décevant. En 2013, 495 informations sur la médiation ont été délivrées par les médiateurs. Sur 175 affaires terminées en 2013, 125 ont abouti à un accord (72%) tandis que 50 n’ont pas abouti (28%). Le taux de réussite est sans aucun doute satisfaisant. Mais la part de la médiation dans le contentieux prud’homal demeure presque symbolique. Les encouragements de la cour de cassation n’ont pas produit tous leurs effets. B – Cour d’appel de Toulouse A Toulouse, la médiation civile et commerciale a été introduite à la cour d’appel à partir de la signature, le 16 septembre 2011, d’un protocole entre le premier président de la cour d’appel, le bâtonnier de l’ordre des avocats, et la directrice de greffe. Ce protocole destiné à promouvoir le recours à la médiation dans la juridiction d’appel faisait suite à un protocole signé en 2010 pour le tribunal de grande instance et le 23 juin 2011 pour le tribunal de commerce. En application du protocole, une unité de médiation a été créée à la cour d’appel comme dans les deux autres juridictions. Elle est composée du président d’une chambre commerciale, délégué du premier président, d’un président de la chambre sociale, d’un avocat président du centre de médiation Toulouse-Pyrénées, d’un universitaire responsable du diplôme de médiation de la faculté de droit de Toulouse, et de plusieurs greffiers. On ne peut qu’être sensible à la pluridisciplinarité de cette structure. L'unité de médiation facilite le recours à la médiation en définissant des procédures d'information, de repérage et de traitement, notamment par la diffusion de trames, qui permettent la mise en oeuvre concrète de la médiation. Il est prévu qu’elle dresse annuellement une liste indicative de médiateurs qui sera diffusée aux magistrats et aux avocats à partir des candidatures exprimées par les médiateurs. Du 1er janvier 2012 au 15 novembre 2013, 477 dossiers de la chambre présidée par M. Gilbert Cousteaux[12] ont été sélectionnés sur 943 dossiers nouveaux, soit 46 %. A l’issue des réunions d’information, 94 consentements ont été recueillis pour engager une médiation, soit 20% des dossiers. Sur 82 médiations achevées, il y a eu 34 accords, 39 échecs et 9 caducités. Les médiations réussies ont ainsi représenté 3,6 % des affaires nouvelles de la chambre. C’est un résultat encourageant qui peut soutenir la comparaison avec les chambres sociales de la cour d’appel de Paris. Conclusion Au terme de cette étude, une conclusion s’impose. Comme l’a dit le baron de Coubertin, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. La médiation n’a pas encore obtenu, du moins en France, la place qu’elle mérite. C’est un facteur de paix sociale qui doit être renforcé. Pour favoriser son développement, un effort culturel doit être accompli afin de la faire mieux connaître et mieux apprécier par les professionnels du droit autant que par les justiciables. La conférence internationale de Keszthely est un important maillon de la chaîne culturelle de promotion de la médiation. Je vous remercie encore de m’y avoir associé. [1] Bull. civ. 2003 Mixte n° 1 [2] Bull. civ. 2007, I, n° 329 [3] Inédit au Bulletin, pourvoi n° 10-20990 [4] Bull. civ. 2009, I, n° 78 [5] Bull. civ. 2010, II, n° 212 [6] Pourvoi n° 12-27004 [7] Bull. civ. 2001, V, n° 279 [8] Bull. civ 2005, I, n° 484 [9] Bull. civ. 2014, V, n° … pourvoi n° 12-28295 [10] Bull. civ. 2007, II n° 73 [11] Benoît Holleaux, « Médiation prud’ homale : renouveau de l’office du juge-pratique de la cour d’appel de Paris, Semaine sociale Lamy numéro 1538 p. 9, numéro 1539 p. 5 1000 [12] Gilbert Cousteaux, Le juge et la médiation - Vidéo Dailymotion http://www.dailymotion.com/video/x1x8tlk_le-juge-et-la-mediation_school Les Cours supérieures et la médiation